Quelles formations pour accompagner l'évolution des métiers ? - journée professionnelle
11 décembre 2019
J’ai eu le plaisir d’assister à une journée professionnelle à Rennes intitulée Quelles formations pour accompagner l’évolution des métiers et organisée par le CNFPT, le CFCB Bretagne - Pays de la Loire et Livre et lecture en Bretagne. Quatre table-rondes ont eu lieu, sur les sujets suivants :
- Quels enjeux de la formation aujourd’hui ? Pourquoi encourager les agents à partir en formation ?
- L’évolution des profils en bibliothèque.
- La formation continue : quelle offre ? Rencontre avec la commission régionale “évolution des métiers”.
- Quelles compétences dans les bibliothèques territoriales et d’Etat ?
Plutôt qu’un déroulé chronologique, je propose ici une synthèse non-exaustive des grands axes de discussion que j’ai pu observer.
L’évolution des métiers et des compétences
« Les bibliothécaires sont des couteaux-suisse » : c’est ainsi que Marc Bergère, Vice-président de l’Université Rennes 2 a introduit cette journée. Cette polyvalence, ainsi que l’évolution des profils ont constitué deux des fils rouges de cette riche journée.
De ce constat découle la difficulté de la définition de référentiels et d’un socle de compétences de bases nécessaires pour exercer ce métier.
En terme de référentiels, le Bibliofil est devenu trop ancien, même si on peut continuer à s’y référer. Les Centres régionaux des formations aux carrières des bibliothèques ont par exemple travaillé sur un référentiel de compétences du bibliothécaire formateur.
Sans oublier les compétences bibliothéconomiques, Aude Etrillard (conservatrice à la bibliothèque Les Champs Libres), Delphine Pointeau (directrice des Médiathèques de Fougères Agglomération) et Dominique Wolf (directrice du SCD de l’Université de Rennes 2) ont toutes trois insisté sur l’importance, dans le socle de base, des compétences liées à l’accueil. L’accueil s’apprend ! Il paraît indispensable de se former à l’accompagnement des publics, notamment les plus fragiles, de travailler sur l’hospitalité et l’accompagnement numérique. Marion Druart, responsable de la Bibliothèque départementale de Loire-Atlantique, a ainsi évoqué la redéfinition récente du socle commun par l’ADBDP, qui s’oriente maintenant plus vers les publics que les collections.
Il a également été question de profils atypiques ou singuliers, de la mixité des équipes ou encore de recrutements de moutons à 5 pattes (qui ne sont pas si loin des couteaux suisses de Marc bergère, finalement). L’ensemble des intervenant·e·s a insité sur la richesse apportée par le décloisonnement avec d’autres champs professionnels: le social, la petite enfance… Cependant, de nombreux freins ont été soulevés, que ce soit les questions statutaires, la frilosité ou, dans le cas de reconversions, des collectivités qui ne s’appuient pas sur une première vie professionnelle pouvant pourtant apporter aux équipes.
William Lambart (CNFPT) a ainsi noté que l’ouverture des formations Lecture publique du CNFPT à d’autres professionnel·le·s est vertueuse. Ces formations plus mixtes sont celles dont l’échange professionnel est le mieux évalué.
L’analyse des offres d’emploi en Bretagne en bibliothèque.
Le CFCB a fait une très intéressante analyse des offres d’emploi en bibliothèque en six ans et nous a présenté plusieurs chiffres. J’en ai retenu un : 46 % des offres d’emploi communales en catégorie C étaient des mi-temps. Voici ci-dessous les différentes photos que j’ai pu prendre des diapositives présentées (désolée pour la mauvaise qualité).
Les freins à la formation
« Il n’y a pas d’égal accès à la formation », a conclu Enora Oulc’hen, conseillère livre et lecture de la DRAC Bretagne.
Lors de la première table ronde, il a vite été question de deux types d’agents : ceux qui veulent partir en formation tout le temps et ceux qui sont plus réticents. Sara Mammad de Beauregard, responsable et seule salariée de la Médiathèque de Landujan, a rappelé à juste titre qu’il existe une troisième catégorie : ceux qui veulent partir mais ne peuvent pas.
Divers freins ont donc été évoqués, voici ceux que j’ai pu noter :
- Les bibliothécaires isolé·e·s qui doivent fermer la bibliothèque en cas d’absence et qui peuvent donc difficilement partir
- Des formations pas toujours adaptées sur le contenu
- Des formations trop loin dans le temps alors que le besoin est immédiat
- Des facteurs géographiques : devoir se déplacer par exemple à Paris peut susciter une forte appréhension
- Des facteurs financiers quand une avance des frais est nécessaire
- Un manque de pré-requis, accentué par la formation à distance
- Le refus de la collectivité, lié notamment à un manque de prise de conscience de l’évolution du métier (si bibliothèque = livre, à quoi bon se former sur le numérique ?).
- Les catégories C partent moins et surtout moins longtemps que les cadres.
Les besoins et l’offre
La table-ronde présentant l’atelier régional “évolution des métiers” a mis en avant le travail collectif de recension des besoins et des offres de formations en bibliothèque en région Bretagne. Cela a été l’occasion de présenter le catalogue 2020 Métiers des bibliothèques, issu de ce travail.
Les évolutions de la formation
Pour Nicolas Tocquer, directeur des BU de l’Université Bretagne Ouest, « la formation est une posture », une façon d’être et de renoncer à une réalité figée dans une fiche de poste pour s’adapter au public. La formatrice que je suis qualifierais plutôt cette posture de curiosité intellectuelle, mais il est vrai que les formations ont connu de profondes évolutions, quitte à en flouter les contours. L’importance de la transmission en pair à pair pour accompagner l’évolution des compétences a ainsi régulièrement été mise en avant.
Les formations ont changé dans leur forme. Des stages descendants de trois jours, on s’oriente plutôt vers des formes plus ludiques et participatives, sur un temps plus resserré. Les formations à distance ou hybrides changent également le rapport au temps, à l’espace et au groupe.
Les formations ont également changé dans les thématiques, avec cependant la difficulté d’arriver « au bon moment ». Certaines thématiques proposées peuvent ne pas rencontrer de succès, parce qu’elles arrivent trop tôt, avant que les premières phases de sensibilisation et d’acculturation aient fait leur chemin.
Le rapport aux délais a également évolué. Ainsi, Marine Cabon, responsable de la médiathèque départementale d’Ille-et-Vilaine, a fait part de l’existence de construction de formations à la carte, destinées spécifiquement en s’adaptant aux demandes émanant des EPCI du territoire. Ces formations permettent de répondre aux besoins spécifiques d’un territoire particulier dans un délai plus court.
Mon bilan
Participer à ce genre de journée d’études est toujours intéressant et elle était parfaitement organisée. Un grand bravo à Christelle Capo-Chichi modératrice des quatre tables-rondes.
Si j’avais quelques critiques à émettre, elles seraient de deux ordres.
Il a été régulièrement question du fait qu’en formation, les temps informels sont éminemment importants. C’est dommage qu’il y ait eu très peu de temps ménagé pour cela pendant cette journée : les quatre table-rondes se sont enchaînées, sans pause, autre que celle du déjeuner. J’ai trouvé qu'il avait manqué un temps plus collectif, de partage ou d’interconnaissance. Pour ma part, j’ai été frustrée de ne pas avoir de moment pour pouvoir échanger avec mes voisines.
La seconde porte sur une certaine uniformité des intervenant·e·s (alors que la mixité apporte de la richesse, nous l’avons bien vu plus haut). J’ai par exemple beaucoup apprécié la présence de Sara Mammad de Beauregard à la première table ronde. Elle a su apporter des éléments concrets, issus du terrain, liés à son expérience de bibliothécaire rurale dans une petite structure. Il aurait peut-être été intéressant d’apporter d’autres regards, par exemple de formatrices ou de stagiaires ayant mis en pratique des formations.
Il n’empêche que cette journée etait réussie. Un grand merci à l’ensemble des personnes organisatrices !