Rejoindre une coopérative d'activité et d'emploi
4 novembre 2020
Au jour où j’écris ces lignes, je fais encore partie d’une Coopérative d’activité et d’emploi (CAE), l’Ouvre-Boîtes 44/85. J’ai remis ma démission hier, car je vais la quitter d’ici la fin de l’année, pour des raisons qui n’ont rien à voir avec la qualité de l’accompagnement et du collectif. J’ai vraiment beaucoup aimé cette année passée au sein de cette structure. Comme les CAE sont au final assez peu connues, j’ai décidé d’écrire une série de trois billets de blog pour raconter mon parcours, forcément spécifique à l’Ouvre-Boîtes et à mon projet professionnel.
Une CAE, qu’est-ce que c’est ?
Quand j’ai décidé en mars 2019 de me lancer en tant que formatrice indépendante, très vite s’est posée la question du statut juridique. Le choix le plus évident était celui de l’auto-entreprise. Mais ce statut me gênait à plusieurs titres. J’avais peur de me retrouver isolée et perdue face aux contraintes administratives et ce statut incarne une évolution de la société, individualiste et libérale, qui ne me correspond pas. Mais le message d’un ami m’a ouvert une nouvelle possibilité :
Tu as pensé aux coopératives d’activité et d’emploi ? A Nantes, il y a l’Ouvre-Boîtes. Tu devrais demander à Jocelyn (un ami commun), il en fait partie.
Je me suis donc renseignée sur ce modèle que je ne connaissais pas. Pour le définir rapidement, une CAE est un regroupement économique solidaire de plusieurs entrepreneur·ses. La CAE a un numéro de SIRET, chaque indépendant·e qui en fait partie a le statut de salarié·e et perçoit une rémunération générée par son propre chiffre d’affaire. Il en existe de multiples, avec des tailles et des spécialités différentes. Je m’étais par exemple renseigné sur Oz, spécialisée dans la culture, mais je préférais le caractère généraliste de l’Ouvre-Boîtes.
J’ai donc proposé à Jocelyn de nous rencontrer. Il a pu me partager son expérience au sein de l’Ouvre-Boîtes. Cela m’a rassurée : ce type de structure pouvait me correspondre. J’ai donc décidé d’entamer le processus d’intégration à l’Ouvre-Boîtes.
La réunion d’information collective
Pour rentrer à l’Ouvre-Boîtes, il est nécessaire de suivre un parcours bien balisé, qui commence par une réunion d’information. Un·e membre du personnel d’appui et un·e entrepreneur·se présente la CAE et répond à toutes les questions des personnes présentes. Ca a aussi été l’occasion pour moi de mesurer que j’arrivais facilement à présenter mon projet professionnel dans ce contexte. Un bon point, donc.
Cette réunion a permis d’avoir une vision d’ensemble de la CAE, de ce qu’on peut y faire, du parcours et des différents statuts au sein de la CAE et des modalités de rémunération. J’ai bien compris où je mettais les pieds et j’ai apprécié le contact humain et la sensation de collectif qui se dégageait de cette réunion. L’environnement de la CAE me paraissait sécurisant et souple : certain·es personnes l’utilisent pour tester une activité avant de fonder leur entreprise, d’autres restent des années. J’ai donc décidé de passer à l’étape suivante.
Le rendez-vous individuel
J’ai pris rendez-vous avec Thierry, chargé d’accompagnement de la CAE. Nous avons pris ensemble plus d’une heure pour regarder de près où j’en étais. Le but de ce rendez-vous était double : savoir si mon projet pouvait rentrer dans le cadre de la CAE (cerains métiers réglementés en sont exclus, par exemple) et évaluer son degré de maturité. Je suis donc arrivée à ce rendez-vous avec un chiffre d’affaire idéal sur une échelle de 2 ans, une typologie de client·es, un tarif de prestation, un site web et une idée assez précise des réseaux à travailler.
C’était un rendez-vous intéressant, car le regard de Thierry m’a permis de voir les forces et les flous de mon projet que je soumettais pour la première fois à un regard extérieur. Il a jugé mon projet assez avancé pour m’intégrer à la CAE en septembre 2019. Dans la foulée, je me suis inscrite sur le fichier des demandeur·euses d’emploi, puisque c’est un pré-requis. En effet, la CAE a une convention avec Pôle emploi et des financements qui ont pour conséquence de ne pouvoir accompagner que des personnes ayant ce statut. Ne travaillant pas à temps plein, j’ai pu m’y inscrire.
La saisine de la commission de déontologie
Je suis fonctionnaire et, à ce titre, pour exercer dans le secteur privé, j’ai besoin de l’accord de mon employeur public (il y a quelques exceptions, mais je vous passe les détails). Même si je suis en disponibilité de la fonction publique (l’équivalent d’un congé sans solde), je reste fonctionnaire. J’ai donc sollicité la direction des ressources humaines de mon employeur public, envoyé les éléments qui concernaient ma future activité, notamment les statuts de la CAE. Mon employeur a souhaité saisir la commission de déontologie de la fonction publique territoriale. Je n’avais pas d’inquiétude, car le domaine de la formation professionnelle ne me semblait pas soulever des conflits d’intérêt. Nous n’avons jamais eu de réponse, ce qui “vaut avis de compatibilité”.
La signature du CAPE et le parcours d’intégration
Tous les voyants étant au vert, j’ai pu intégrer la CAE. J’ai eu l’impression de faire une vraie rentrée, puique nous étions un groupe d’une dizaine d’entrepreneuses à suivre le parcours O’Boost, nom donné aux étapes d’entrée dans l’Ouvre-Boîtes. J’avais la chance d’avoir un groupe très sympathique, qui m’a permis de mesurer la diversité des métiers et des parcours, puisqu’il y avait une art-thérapeute, une traductrice tchèque-anglais-français, une professeure de Biodanza, une assistante de direction, une ancienne responsable de crèche reconvertie dans un type de massages bien spécifique, une autre qui travaillait dans la communication, trois couturières…
Nous avons ensemble suivi plusieurs ateliers obligatoires qui nous permettaient à la fois de mieux connaître le fonctionnement de la CAE, appréhender le logiciel qui nous permet de faire devis et factures mais aussi d’affiner notre projet. J’ai également participé à des ateliers facultatifs mais bien utiles, comme celui autour de l’évaluation de ses tarifs ou un autre autour de la communication sur les réseaux sociaux, animé par la formidable Marie-Lorraine. Les ateliers étaient tantôt animés par les membres du personnel d’appui, tantôt des entrepreneuses salariées. Il y a également de nombreux moments conviviaux, comme des petits déjeuners mensuels et d’autres occasions de travailler pour le collectif (mais j’y reviendrai dans mon deuxième billet)).
Le premier jour a été également l’occasion de signer le premier contrat avec la CAE, le CAPE (Contrat d’appui au projet d’entreprise). Ce n’est pas un contrat de travail, mais un contrat qui relève du droit commercial. Il permet de pouvoir bénéficier du cadre de la CAE pendant une phase de test où les bénéfices sont mis de côté dans le but de se dégager un salaire et signer un contrat de travail à durée indéterminée quand la situation financière de l’activité est suffisamment stable.
Le cas particulier de la formation professionnelle
L’Ouvre-Boîtes est un organisme de formation qui à ce moment-là était datadocké, c’est-à-dire qui répondait à un certain nombre de critères de qualité (depuis, il a été certifié Qualiopi, mais j’y reviendrai). Pour garantir ce niveau de qualité, la CAE demande à ses formateur·ices de répondre à ces critères. J’ai donc rempli un dossier correspondant à une formation avec un itinéraire pédagogique, une fiche-programme, des évaluations, mes diplômes, etc. Mon dossier a été étudié par une commission comprenant du personnel d’appui et une entrepreneuse formatrice, et… il est passé (gros ouf de soulagement).
J’ai par la suite suivi un atelier spécifique sur la formation professionnelle continue, pour connaître les étapes administratives et responsabilités d’un organisme de formation (c’était un peu la douche froide, j’avoue). A la suite de ces quelques étapes supplémentaires, j’ai obtenu le droit de facturer des prestations de formation au nom de la CAE (youpi !)… Ce qui m’a permis par la suite de signer mon contrat de travail avec l’Ouvre-Boîtes, mais ça, je vous le raconterai dans le prochain épisode, publié en janvier 2021 et disponible ici !