S'épanouir dans une coopérative d'activité et d'emploi
15 janvier 2021
Au jour où j’écris ces lignes, je viens de quitter une Coopérative d’activité et d’emploi (CAE), l’Ouvre-Boîtes 44/85, au sein de laquelle j’ai passé plus d’un an. J’ai vraiment beaucoup aimé faire partie de cette structure et j’ai décidé d’écrire une série de trois billets de blog pour raconter mon parcours, forcément spécifique à l’Ouvre-Boîtes et à mon projet professionnel. Le premier, Rejoindre une coopérative d’Activité et d’emploi, racontait mon arrivée au sein de la CAE, je vais dans ce billet passer à la suite. S’il n’y avait qu’un mot à retenir de cette expérience, ce serait la solidarité, car avec l’Ouvre-Boîtes, j’ai vraiment eu l’impression d’intégrer un véritable collectif d’indépendant·es, alors qu’on pourrait penser que les deux termes sont antinomiques.
Des collectifs dans le collectif
J’avais commencé en intégrant la CAE avec une petite dizaine d’autres femmes. Au départ très soudées, nous avons peu à peu pris des chemins variés et avons plus ou moins été présentes dans la CAE. J’ai quelque fois participé à des Wobcafés, des petits déjeuners mensuels dans différents lieux de la CAE qui a plusieurs espaces de bureaux à Nantes et Saint-Nazaire. Ces moments de rencontres permettent de faire connaissance d’autres membres de la coopérative, de découvrir leur activité et leurs actualités, de faire du réseau et de savoir ce qui se passe à l’échelle de la CAE. Il y a également plusieurs outils qui permettent de garder le contact : un réseau social interne à la CAE, très utilisé par une partie seulement des entrepreneur·ses, un groupe Facebook et diverses newsletter.
Il existe au sein de la CAE plusieurs collectifs, notamment des regroupements autour des métiers (métiers du bien-être, de la formation professionnelle, du numérique…) et des commissions (inclusion, vie coopérative…). Chacun·e décide où iel souhaite mettre de l’énergie. Je me suis peu intéressée aux commissions, mais par contre j’ai intégré deux Wobmétiers activement : celui du numérique et celui de la formation professionnelle.
Le “Wobmétier du numérique” permet de se réunir tous les deux mois avec des professionnel·les du développement, de l’administration système, de la communication, du graphisme, de l’UX ou encore de la médiation numérique (c’est moi !). Ces rencontres permettent d’apprendre à connaître chacun·e, son activité, ses actualités, mais aussi faire du partage et de la mutualisation. Par exemple, j’ai pu dans ce cadre faire une présentation aux collègues sur l’illectronisme, une autre personne nous a présenté ce qu’était l’éco-conception de sites web, un·e autre nous a proposé un atelier autour de la sobriété numérique… Nous avons également discuté de l’hébergement d’outils libres mutualisés et avons préparé une intervention collective autour de nos réflexions en tant qu’entrepreneur·ses sur l’impact du numérique sur l’environnement. Ces moments d’échange étaient vraiment précieux.
J’ai également participé activement au wobmétier de la formation professionnelle qui avait une mission de taille : faire que l’organisme de formation de la CAE soit certifié Qualiopi. Un gros travail, à la fois individuel et collectif.
La CAE, un collectif porté par la solidarité
Au-delà de ces “collectifs dans le collectifs”, la CAE organise une fois par an le séminaire “Grand Angle”, qui permet de regrouper toutes les personnes de la CAE quel que soit leur statut. Au programme : un bilan de l’année, mais surtout la construction du projet de la CAE. Je n’ai pu assister qu’au séminaire 2020, qui avait lieu à distance. Malgré tout, j’ai vraiment été impressionnée par la capacité de cette structure à faire collectif, sur des valeurs de partage et de solidarité alors que nous sommes des entrepreneur·ses indépendant·es.
Ces valeurs de solidarité et de partage, je les ai particulièrement senties au moment du premier confinement. Charlotte, ma chargée d’accompagnement, a été très présente et disponible pour m’accompagner sur cette période compliquée. Le chômage partiel a été mis en place pour les salarié·es (ce n’était pas mon cas). Je ne me suis pas du tout sentie isolée sur ce plan-là.
Ont été organisés pendant les confinements des “Wobconfis” : toutes les semaines, nous pouvions nous retrouver en ligne le vendredi matin pour discuter. J’ai pu également garder contact avec d’autres entrepreneur·ses, j’ai participé à un atelier et à des Wobmétiers à distance, cette chaleur humaine et ces collectifs ont été, pour ma part, très précieux.
Ma transition vers le salariat
J’ai continué à être accompagnée au sein de la CAE par Charlotte, avec qui nous faisons des point réguliers sur mon activité, mes interrogations et mon statut. Je me souviens d’un de nos rendez-vous où je lui avais dit combien je me sentais bien dans cette nouvelle activité : j’y aime notamment mon autonomie et son intérêt intellectuel. Elle m’avait répondu que c’était déjà un bon point car il arrivait que des personnes s’en sortent économiquement, mais ne vivent pas bien l’indépendance. C’est un des avantages des CAE : il est possible de le tester dans un cadre rassurant.
Comme je l’ai expliqué dans mon premier billet de blog, dans un premier temps, quand on intègre une CAE, on signe un CAPE qui nous permet de facturer des prestations au nom de la CAE. Pour autant, on ne se dégage pas encore de salaire. Pour cela, il faut avoir suffisamment de trésorerie et une certaine visibilité. Dans mon secteur d’activité (la formation professionnelle des bibliothécaires), je cale mes interventions longtemps à l’avance et j’ai donc en général une visibilité importante sur les mois à suivre. Par exemple, au moment où j’écris ces lignes, je n’accepte plus d’intervention dans les 6 prochains mois et seulement avec parcimonie les propositions sur les 6 mois suivants puisque mon planning est rempli.
J’ai intégré la CAE en septembre 2019, j’ai très peu facturé de prestations avant 2020. Je savais que ça mettrait du temps. J’avais prévu que la première année serait compliquée, que la seconde me permettrait régulièrement d’atteindre un chiffre d’affaire mensuel idéal et que la troisième année, j’aurai un rythme de croisière satisfaisant. Finalement, ça a été plus rapide que ce que je pensais. Mon activité a commencé à vraiment décoller au bout de 6 mois : j’avais plusieurs formations prévues et certains mois avaient un chiffre d’affaire me permettant de me dégager mon salaire idéal. Bon signe, donc.
Au début de l’année 2020, nous avons fait nos calculs avec Charlotte : a priori, si je facturais l’ensemble des prestations prévues, je pourrai commencer à me dégager un SMIC à temps-plein à partir du mois de mai : j’aurais alors plusieurs salaires d’avance en trésorerie et suffisamment d’engagements dans les mois à venir. Mais le premier confinement est passé par là et m’a obligée à reporter une grande partie de mes formations au deuxième semestre.
Nous avons donc refait des calculs avec Charlotte, une fois qu’on y a vu plus clair et nous avons décidé de me salarier, mais sur un SMIC à mi-temps, à partir de juin. J’avais de quoi me salarier jusqu’à septembre inclus et énormément de prestations prévues à la rentrée. J’ai donc signé mon CESA (contrat d’entrepreneuse salariée associée), c’est à dire un CDI avec la CAE. Le salaire évolue ensuite, en fonction des prévisions et de la trésorerie disponible. J’ai ainsi pu me salarier sur un SMIC à temps plein à partir de septembre 2020.
La rémunération en CAE
J’ai, dès mon arrivée au sein de la CAE, déclaré mes frais et achats de façon mensuelle : les déplacements liés à l’activité, la moitié de mon abonnement mobile et de mon abonnement à Internet, mais aussi les abonnements professionnels ou achats de matériel. Ces frais m’ont été remboursés dès que ma trésorerie me l’a permis.
Une fois salarié·e, chaque entrepreneur·ses se rémunère avec son propre chiffre d’affaire et donc paye des cotisations patronales et salariales avant de se dégager son salaire net, mais également une contribution à la coopérative (de mémoire, 10,5 % du chiffre d’affaire). Cela m’a permis d’apprendre plein de choses et d’arrêter de dire “charges” en lieu et place de “cotisations”. Pour résumer, pour me dégager un SMIC, il fallait que je réussise à me dégager le double du salaire net. Si jamais je voulais un salaire plus important, il fallait que je gagne plus du double, puisque les cotisations patronales sont allégées sur les petits salaires (c’est ce qu’on appelle l’allègement Fillon, qui, on le comprendra, n’encourage pas du tout à augmenter les salarié·es).
Pour celles et ceux qui seraient étonné·es de la différence entre mon salaire net et mon chiffre d’affaire, quelques petites remarques :
- Contribuer à la CAE, c’est normal : elle a des frais de personnel, de locaux… Et elle apporte un accompagnement de qualité personnalisé, un réseau, une solidarité, un soutien administratif et financier et une mutualisation des outils.
- Payer des cotisations, c’est ce qui permet d’avoir notamment une Sécurité sociale ou une protection en cas d’accident du travail. C’est donc utile et ça me parait important et normal d’y contribuer.
J’espère que ce billet vous a plu, il ne me reste sur le sujet qu’à écrire un troisième billet, intitulé “quitter une coopérative d’activité et d’emploi”.