Ce que j'ai continué à apprendre sur la formation à distance
16 juin 2021
J’avais publié en octobre dernier un premier billet de blog sur ce que j’avais retiré de mes premières expériences de formation à distance en tant que formatrice. Une année scolaire plus tard, j’ai encore amélioré mes déroulés et techniques d’animation, testé des outils, connu quelques difficultés, mais globalement je suis fière du travail effectué et de tout ce que j’ai appris. J’avais envie de partager quelques réflexions avec vous, sur les outils testés, l’importance des pré-requis numériques et l’animation de groupe.
Les indispensables pré-requis
J’ai donné des formations à des groupes très divers, qui allaient de bénévoles ou bibliothécaires peu à l’aise avec l’outil numérique à des médiateurs et médiatrices numériques expérimentées. J’ai pu ainsi mesurer combien les compétences numériques des stagiaires avait un impact sur leur confort et sur la fluidité de la formation.
Je l’ai notamment observé avec une participante, qui, dès que je proposais un lien externe, me disait que “Zoom avait disparu”. En fait, avec l’ouverture d’un nouvel onglet ou d’une nouvelle fenêtre, l’outil de visio était passé en arrière-plan. A chaque consigne qui nécessitait d’aller dans des sous-groupes ou de consulter une page web, il lui fallait un temps d’adaptation à ce nouvel environnement avant même de pouvoir passer au contenu de la consigne. Je me suis dit que cette personne avait du dépenser une énergie importante pour pouvoir s’adapter aux outils, avant même que son cerveau puisse s’intéresser au sujet de la formation. J’ai donc puisé dans mon expérience de médiatrice numérique pour lui expliquer ce qui arrivait, où elle devait cliquer, etc. et j’ai également privilégié le chat de Zoom à certains outils externes (comme un nuage de mots), pour lui faciliter la tâche. Je me suis fait la réflexion qu’il faudrait, la prochaine fois, que je discute avec mon client des compétences numériques nécessaires et que je systématise le test d’auto-positionnement en amont, pour adapter mes outils au groupe.
J’envoie systématiquement en amont un tutoriel indiquant tous les liens utiles et le matériel nécessaire. Jusqu’à présent, je n’indiquais pas la nécessité d’un ordinateur et caméra par personne. Quelques mésaventures m’ont poussé à le préciser. En effet, il m’est arrivé que certaines stagiaires utilisent un ordinateur pour deux. Cela m’a posé plusieurs problèmes :
- Dans le groupe, ces personnes intéragissaient en tant que binômes : toujours ensemble pour les activités de groupes, toujours à intervenir ensemble, à se concerter avant de (ne pas) prendre la parole… J’ai eu l’impression de ne pas avoir accès à leur individualité et je suis sûre qu’elles ont du adapter leurs besoins individuels à ceux du binôme et faire des compromis.
- Certaines personnes se connectaient dans une même salle de réunion, équipée pour la visio. Elles étaient loin de la caméra et masquées, ce qui créait de fait une distance supplémentaire.
- Il m’est même arrivé qu’une personne en binôme se braque au cours de la formation, sans que je le perçoive. En effet, elle était avec sa collègue, partageant le même ordinateur, et discutant micro coupé. Comme leur visage était masqué, je voyais qu’elles interagissaient, mais je ne pouvais rien percevoir. En fait, une des deux est entrée en opposition avec la formation car elle n’y trouvait pas sa place et quand j’ai réalisé cela, il était trop tard et je ne voyais pas comment la récupérer.
créer du lien
Je fais très attention à rapidement sortir de la configuration plénière de la visioconférence et de proposer aux stagiaires des activités en petits groupes. Ca marche très bien, cela fait partie des retours positifs que l’on me fait systématiquement. Pour que cela se déroule bien je fais bien attention à soigner les transitions : bien expliquer la consigne ainsi que la manipualtion technique et faire une apparition dans chaque groupe pour vérifier que tout va bien et que personne ne s’est perdu en route.
Le fait de voir tout le monde est important. C’est une des raisons pour lequelles je demande à ne pas dépasser 10 personnes et que tout le monde ait une webcam. Si nous sommes plus nombreuses et que la mosaïque ne permet pas d’afficher toutes les caméras, j’ai remarqué que je m’occupe moins des invisibles. Je fais attention quand c’est le cas, mais c’est quand même tellement confortable de pouvoir voir l’ensemble du groupe, d’autant plus que j’encourage les stagiaires à faire des signes dont nous convenons en début de stage pour “oui”, “non” et “je souhaite prendre la parole”.
Avec la formation à distance, on perd tout l’informel des formations habituelles : les discussions autour d’un café, les blagues de la file d’attente des toilettes ou le déjeuner qui permet de faire plus ample connaissance. J’ai réussi à retrouver une forme d’informel grâce au travail de la Dérivation qui anime des ateliers d’éducation populaire en utilisant l’outil Gather town. Il permet de s’incarner dans un personnage sur une carte de jeu vidéo en 2D. En se déplaçant dans l’espace, on peut ainsi aller à la rencontre des autres personnes, commencer une visio à deux ou plus. En participant à un forum ouvert organisé par la Dérivation, j’y ai trouvé des sensations très proches de celles du présentiel (si si, je vous assure). Je n’ai pas encore tenté d’animer mes formations à distances avec cet outil, mais l’idée fait son petit bout de chemin.
Dans mes formations habituelles, j’utilise régulièrement les jeux de rôles, infaisables à distance. A la place, je propose des ateliers proches du co-développement, à partir de problématiques concrètes exprimées pendant la formation. Ca marche vraiment très bien et ça permet de dégager des pistes de résolution.
“Je me demande pourquoi une libriste utilise Zoom”
Après de multiples tests de diverses plateformes de visioconférence, je n’utilise plus que Zoom. Bien entendu, je préférerais utiliser du logiciel libre respectueux de notre intimité numérique, mais je n’ai pas réussi, y compris avec un outil aussi performant que BigBlueButton. En effet, ce dernier a toutes les fonctions qui me sont nécessaires (diaporama, sous-groupes, quizz…), mais j’ai connu plusieurs déconvenues :
- Je travaille avec plein de clients différents, majoritairement des conseils départementaux. Chaque service informatique a une politique plus ou moins restrictive : j’ai eu par exemple un client qui bloquait totalement l’accès à BigBlueButton, n’autorisant que Teams ou Zoom. Cela impliquait donc pour chaque client, de se renseigner en amont sur la politique de la maison, voir si des choses sont négociables, faire des tests. Comme chaque client représente un ou deux jours de formation, autant vous dire que cela m’aurait demandé un temps monstrueux de tenter le coup BigBlueButton à chaque prestation, pour un résultat non garanti.
- Zoom permet aux stagiaires de tester leur configuration sans avoir besoin de ma présence, ce qui n’est pas le cas des autres outils libres testés.
- Pour utiliser BigBlueButton, je m’appuyais sur des hébergements associatifs, comme celui de FAImaison. Outre que me faire du bénéfice sur du travail bénévole me pose de gros problèmes éthiques, le niveau de service n’est pas garanti, ce qui a causé quelques catastrophes, avec un outil dysfonctionnant et qui (et c’est bien normal), n’est pas remis en route tout de suite. On pourrait me rétorquer que j’aurais pu facturer à mes clients un hébergement. C’est vrai, mais je ne sais ni comment on fait ni combien ça coûte et je n’avais pas d’énergie à mettre dans ces recherches à ce moment-là, surtout que rien ne garantissait que ça fonctionne (cf. point 1).
- Enfin, Zoom est un outil très utilisé et cela permet en général aux stagiaires de ne pas avoir à s’adapter à un nouvel outil… Ce qui, on l’a vu, est loin d’être anodin.
J’ai bien conscience de n’avoir pas pu aligner mes besoins, mes contraintes et mes convictions à l’outil choisi. Une de mes stagiaires s’en est étonnée en notant dans la feuille d’évaluation “Je me demande pourquoi une libriste utilise Zoom”. Si vous aussi, vous vous posez toujours la question après avoir lu mes différents arguments, je vous invite à lire avant de m’écrire cet entretien avec Marie-Cécile Godwin.